Une nouvelle espèce de papillon canadien découverte : rencontrez le Curieusement Isolé Hairstreak
- Natasha Dudek
- 2 mai
- 3 min de lecture

Une nouvelle espèce de papillon a été identifiée dans le parc national des Lacs Waterton, en Alberta. Nommée le Curieusement Isolé Hairstreak (Satyrium curiosolus), son nom reflète la distribution géographique et l’isolement écologique peu commun de cette espèce.
Autrefois considérée comme faisant partie de l'espèce porte-queue demi-lune (Satyrium semiluna), la population d'Alberta a désormais été reconnue comme une espèce totalement distincte. Cette découverte a émergé alors que les scientifiques réévaluaient le statut de conservation du porte-queue demi-lune au Canada. Bien que l'espèce soit actuellement classée comme en danger en vertu de la Loi sur les espèces en péril, un mouvement croissant plaide pour son déclassement en statut de menacée.
Pourquoi? La plupart des populations canadiennes de porte-queue demi-lune vivent dans le sud de la Colombie-Britannique et sont étroitement reliées à de plus grandes populations aux États-Unis, où le papillon est considéré comme « apparemment sécurisé ». Étant donné qu’il existe peu de distinction génétique ou écologique entre les groupes de la Colombie-Britannique et des États-Unis, certains experts soutiennent que l'évaluation de la conservation au Canada pourrait davantage refléter les frontières politiques que le risque biologique réel.
Cependant, pour la population vivant en Alberta, la situation est radicalement différente. Isolée par plus de 400 kilomètres et vivant dans un environnement unique, une équipe de chercheurs dirigée par l’Université de Calgary a découvert que cette population est génétiquement distincte, écologiquement spécialisée et ne présente aucune preuve de mélange avec d'autres groupes. Fait remarquable, son aire de répartition connue est limitée à seulement 300 hectares dans le parc national des Lacs Waterton, soit une superficie plus petite que plusieurs parcs urbains. En raison de sa petite taille et de sa vulnérabilité, les scientifiques ont recommandé de rehausser son statut à celui de « en danger critique d'extinction », le plus haut niveau de préoccupation en matière de conservation.
Des efforts de conservation ciblés ont été proposés pour cette population. Avec une diversité génétique très faible et une capacité limitée à s'adapter aux changements environnementaux rapides, une solution possible serait le « sauvetage génétique », qui consiste à introduire des individus d'autres populations pour augmenter la variation génétique. Mais est-ce que cela serait réellement bénéfique?
Pour le découvrir, les chercheurs ont créé le premier génome complet de l'espèce et ont comparé les papillons de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et du Montana. Ce qu'ils ont trouvé est frappant : la population de l'Alberta est isolée depuis environ 40 000 ans, sans aucun flux génétique récent. Elle occupe également un habitat distinct, avec des préférences alimentaires uniques et dépend d’une relation mutuelle spécialisée avec les fourmis Lasius ponderosae. Ces fourmis protègent et soignent les larves, leur permettant même de se nymphoser dans leurs nids souterrains, où elles restent fraîches durant les vagues de chaleur. En retour, les larves fournissent aux fourmis des sécrétions sucrées appelées miellat.
En combinant ces différences génétiques, écologiques et comportementales, les chercheurs ont conclu qu’il ne s’agissait pas simplement d’une population unique de porte-queue demi-lune, mais d'une espèce à part entière.
Quant au sauvetage génétique? Bien que ce soit une stratégie fréquemment utilisée pour aider les populations en difficulté, dans ce cas, elle pourrait faire plus de mal que de bien, du moins pour l’instant. Le Curieusement Isolé Hairstreak semble avoir purgé de nombreuses mutations nuisibles au cours de sa longue isolation (sinon, l'intercroisement aurait déjà causé de sérieux problèmes), et l'introduction de nouveaux gènes pourrait réintroduire ces mutations nuisibles. En supposant qu'il puisse même se croiser avec son plus proche parent, le groupe de l'Alberta vit dans des conditions environnementales très différentes de celles des autres papillons Hairstreak, ce qui augmente le risque de dépression due à l'hybridation, où les descendants hybrides sont moins adaptés. L'hybridation avec le Half-moon Hairstreak pourrait perturber les adaptations locales finement ajustées du Curieusement Isolé Hairstreak, comme sa relation symbiotique avec les fourmis.
Cependant, les choses pourraient changer. Le manque de diversité génétique de la population albertaine pourrait devenir une vulnérabilité importante, limitant sa capacité à s'adapter aux changements environnementaux causés par le changement climatique. Les scientifiques recommandent de se préparer à cette possibilité dès maintenant, en menant des croisements contrôlés pour tester la compatibilité reproductive et la santé des descendants, au cas où une intervention future deviendrait nécessaire.
En attendant, cette découverte souligne à quel point il reste encore beaucoup à découvrir dans le monde naturel. Le Curieusement Isolé Hairstreak, avec son aire de répartition incroyablement restreinte de 300 hectares, figure parmi les espèces de papillons les plus géographiquement limitées connues. Ce n’est pas seulement une percée scientifique fascinante; c’est aussi un rappel de la biodiversité cachée qui existe encore, attendant d’être explorée.
Étude :
MacDonald, Z.G., et al. "Genomic and ecological divergence support recognition of a new species of endangered Satyrium butterfly (Lepidoptera, Lycaenidae)." ZooKeys 1234 (2025) : 291.



